lundi 14 janvier 2013

Vidéos guitare baroque

De temps à autre, j'ajouterai dans cette rubrique quelques vidéos de pièces de guitare baroque, de divers auteurs. J'ouvre le bal bien modestement par une pièce jouée et enregistrée par mes soins (du fait maison!): une Passacaille de Gaspar Sanz.





Je laisse la place bien volontiers ensuite à des interprètes (quelques-uns pour l'instant, je suis en train de compléter) et vidéos qui ont mes faveurs.

Gaspar SANZ, Canarios (Diogo Rodrigues)

Francesco CORBETTA, Passacaille (Israel Golani)

- Francesco CORBETTA, Follia (Pierre Pitzl) 

-Santiago de MURCIA, Fandango (Francisco Villegas)

Santiago de MURCIA, La Jota (Karel Fleischlinger)

jeudi 25 août 2011

- Le déclin de l'accord baroque, et le passage des cordes doubles aux cordes simples

Les guitares renaissance et baroque étaient montées de choeurs (cordes doubles). Pourquoi, à une période charnière (fin du 18ème) de l'histoire de l'instrument, les cordes doubles furent-elles délaissées au profit des cordes simples?
 A question... simple apparemment, réponse, pas double (!), mais complexe... Par bonheur, Danielle Ribouillaut (l'ancienne rédactrice en chef de la revue "Les Cahiers de la guitare") a mené une étude et  avancé un faisceau d'hypothèses et d'explications  dans l'un des chapitres d'un ouvrage collectif:  "Instruments et musique instrumentale", éditions du CNRS. Datant de 1986, il est malheureusement épuisé désormais.
C'est la source la plus solide et documentée que je possède sur le sujet.
Je ne pourrai pas évidemment reprendre in extenso ce chapitre de 27 pages intitulé :" La guitare à la fin du XVIIIe siècle : recherches sur les raisons du déclin de l'accord baroque". Nous sommes vraiment au coeur du thème, n'est-il pas ?
Je vous en propose une synthèse.

- Renouveau d'intérêt pour l'instrument dans la seconde moitié du siècle, nouveau public d'amateurs

Après la mort de François Campion (1686-1748?), la production des oeuvres pour guitare "semble s'éteindre", et ce jusque vers 1760. A partir de là, comme le notent les contemporains, "quelques amateurs ont fait renaître la guitare et ont en même temps réveillé notre goût pour les vaudevilles, pastorales et brunettes qui en acquièrent un nouvel agrément."  Ce renouveau est facile à vérifier dans les inventaires des luthiers parisiens, les éditions de partitions, les journaux ou  recueils d'airs accompagnés, et par l'essor des Méthodes instrumentales.

Une telle renaissance, poursuit Danielle Ribouillault, tient sans doute à la nouvelle classe d'amateurs mélomanes de cette seconde partie du siècle, qui apprécie beaucoup sa facilité de jeu, son caractère d'instrument d'accompagnement, léger et élégant, facile à transporter, discret et doux quand il soutient la voix [...] Les amateurs inspireront en partie la vogue pour la Romance qui explique aussi le retour à la guitare."Comme il ne faut qu'une voix juste, flexible, qui prononce bien et qui chante simplement, la guitare convient mieux pour l'accompagner que tous les autres instruments."
J.J. Rousseau, dans son Dictionnaire de musique (1768), définit ainsi la Romance: "Air sur lequel on chante un petit Poème du même nom, divisé par couplets, duquel le sujet est, pour l'ordinaire, quelque histoire amoureuse et souvent tragique."

- Le rôle nouveau de la basse

Dès lors, écrit le même Rousseau: "Il faut que la basse, par une marche simple et uniforme, guide en quelque sorte celui qui chante et celui qui écoute sans que ni l'un ni l'autre s'en aperçoive."
Cette mise en valeur de la basse, "simple et uniforme", pour l'accompagnement du chant va battre en brèche "l'ancien" accord  ré-entrant  - avec chevauchement des voix-  de la guitare baroque.

Les principales manières d'accorder la guitare baroque (source Wikipedia)


La répartition "logique" du grave vers l'aigu va s'imposer. Elle correspond au nouveau désir d'entendre les basses au grave. Car il faut maintenant accompagner les Romances qui envahissent littéralement le répertoire, et "la guitare montée à cordes simples est bien plus agréable pour l'accompagnement, vu que les basses s'entendent beaucoup plus distinctement" (A.M. Le Moine)
C'est donc bien une évolution radicale du répertoire, partant du style et de l'esthétique générale, accompagnée de surcroît de la possibilité technique récente de réaliser des cordes filées (sur soie, pour les trois basses, les trois premières restant en simple boyau) qui répondent à ce besoin.

Accord: la simplification à l'ordre du jour

Entre les années 1760 et 1800, les méthodes proposent d'accorder l'instrument de "différentes manières", toujours sous l'influence marquée de l'accord baroque. Les divergences, sans surprise, tiennent au choix des choeurs (et de leur emplacement) à l'unisson ou à l'octave.
Néanmoins, Joseph Bernard Merchi, fait figure de pionnier en préconisant un autre montage, dans son "Traité des agrémens de la musique, exécutés sur la guitare" de 1777.

Un montage, tout à fait nouveau, à cinq cordes simples, accordées comme celles de notre guitare contemporaine (La-Ré-Sol-Si-Mi),  privée donc - mais pour peu de temps-  du Mi grave. Dans l'Avertissement de ce traité, il écrit : "Je profite de cet Avertissement, pour dire un mot de ma manière de monter la guitarre à cordes simples. Il est plus aisé de trouver 5 cordes justes qu'un plus grand nombre ; les cordes simples sont plus faciles à mettre d'accord et à pincer nettement ; enfin, elles rendent des sons purs, forts moëlleux, et qui s'approchent de ceux de la harpe; surtout si l'on se sert de cordes un peu grosses."

Le Moine continue : "C'est cette difficulté de trouver des cordes qui soient justes qui a engagé bien des professeurs ainsi que les amateurs à monter la guitare à corde simple."
Baillon est le seul à critiquer directement les cordes simples, soulignant leurs inconvénients. "Si l'on n'en met qu'une (corde), le son paraît maigre et ne produit point une harmonie aussi agréable que lorsqu'elle est accompagnée d'une octave."
Néanmoins, cette notion de "facilité" - instrument plus facile à accorder et à pincer,  pour les amateurs en particulier-,   employée par Merchi,  et hautement révélatrice du nouvel état d'esprit,  l'emportera.

- Evolution sociologique et esthétique

L'évolution sociologique des guitaristes joue, pour une grand part, dans l'abandon progressif de l'accord baroque. Ce public d'amateurs, de plus en nombreux, rejette le montage de l'âge d'or. Il ne veut plus de ce raffinement du passé, qu'apparemment il ne comprend plus. Il opte pour des valeurs qui lui semblent plus sûres, plus tangibles, conformes à un certain positivisme ambiant: une "bonne sonorité, de la justesse et une certaine facilité, en particulier."
L'esprit a changé. Le goût musical de l'époque aussi. Les formes et l'écriture sont très différentes et l'ancien accord ne leur est plus adapté. La tablature est en pleine décadence - elle disparaît vers 1780-, entraînant l'ancien accord dans sa chute.
Les caractéristiques du montage ancien - avec une "basse" pouvant  se situer, selon l'accord choisi, entre la 5ème et la 3ème corde! -  rendaient la tablature infiniment nécessaire. Le passage aux cordes simples logiquement réparties du grave à l'aigu la rend moins utile. Et c'est pourquoi la notation musicale courante est la seule employée au moment où apparaît la sixième corde (qui ne connaîtra jamais la tablature).
Une dernière raison, selon D. Ribouillault, contribue à cette désuétude: "'les guitaristes ne sont plus également des luthistes (familiers de la tablature) comme dans les siècles précédents, mais maintenant souvent des violonistes, préférant lire la musique dans un système pour eux compréhensible"


FIN!!

En résumé, l'essentiel:
- nouveau public (amateurs)
- nouveau répertoire: le rôle de la basse s'amplifie
- la plus grande facilité du jeu avec des cordes simples, et la simplification de l'accordage, prennent le dessus.
- rejet de l'ancienne esthétique, et avec elle des tablatures qui n'ont alors plus leur raison d'être.

mercredi 4 mai 2011

- Les guitares baroques d'Antonio Stradivari

Antonio Giacomo Stradivari (1644-1737) dit Stradivarius (la forme latine de son nom), le célébrissime luthier italien, connu surtout pour  ses  violons (600), a également fabriqué des violoncelles (une soixantaine), des altos (une douzaine) et, ce qu'on sait moins,  des guitares - on pense une trentaine- et autres luths, mandolines, harpes...

Il ne reste de par le monde qu'entre 5 et 7 guitares, selon les sources,  d'Antonio Stradivari: il y a des doutes sur l'authenticité de certaines d'entre elles, qui lui "auraient" été attribuées, ou bien restaurées ou modifiées par ses soins.
Selon la source suivante,  2 seulement, "complètes", sont arrivées jusqu'à nous (la "Hill' et la "Rawlins") :  http://fr.wikipedia.org/wiki/Instruments_de_Stradivarius


Si l'on opte pour une liste de six guitares, en voici le détail.
Deux d'entre elles se trouvent des collections privées en Italie (à Milan)
- la "Sabionari" de 1679 (voir ci-après les détails de sa restauration récente et une vidéo, pour l'entendre)
- la "Giustiniani" de 1681

Une autre est aux Etats-Unis, au Musée National de musique du Dakoto du Sud (ville de Vermillion)
- la "Rowlins"de 1700. D'autres photos, ici : http://orgs.usd.edu/nmm/PluckedStrings/Guitars/Stradivari/StradGuitar.html



- Une quatrième, de 1688, en Angleterre,  dans la collection "Hill" du Musée Ashmolean d'Oxford
- Une autre, la "Canobio Pagliari" de 1681
- Enfin, la "Vuillaume", de 1711, en France, au Musée de la musique de Paris. Cette dernière tient son nom du luthier de violons, Jean-Baptiste Vuillaume (19ème), à qui elle a appartenu. http://www.laguitare.com/2004/guitare_mois_stradivarius.html



Récemment donc (début 2011),  la  "Sabionari" a été restaurée par les luthiers Daniel Sinier et Françoise de Ridder:  http://sinierderidder.free.fr/atelier_eng.html
Comme les autres guitares,  et la plupart les instruments de Stradivari, elle a été remaniée pour suivre la pratique instrumentale.


Plusieurs autres photos, après restauration:   http://www.sabionari.com/Photos.html

Un jeune soliste, Krishnasol Jimenez joue, sur cette rare et exceptionnelle guitare, une suite de Robert de Visée.